Le commandant Flahaut revient dans une sixième enquête. Comme souvent, ses investigations débordent du cadre professionnel et l'emmènent à s'intéresser à un mystérieux château dans la forêt de Compiègne. II y croise sa collègue, Gillian Carax, dite La panthère....
Jimmy
Jimmy a été commencé dans un atelier d’écriture. Le thème proposé était celui du secret familial.
– C’est ici, dit Maxime.
Stéphane vérifie d’un coup d’œil appuyé que la rue est déserte. Du menton il indique au petit qu’on peut y aller. Maxime qui connaît les prises par cœur s’élance le premier à l’assaut du mur délabré, rougissant de fierté de voir le grand suivre ses conseils.
– Faut grimper par ce coin, sinon ça va s’écrouler. Tiens, Steph, mets ton pied là, non pas celui-là, l’autre !… Attention à la brique, là…
Bientôt ils sautent dans le jardin et s’aplatissent aussitôt derrière un buisson de troènes en fleurs.
– Ça pue ici, commente Stéphane. On va s’approcher des fenêtres.
Maxime le regarde, surpris. Il renifle par petits coups les senteurs végétales, troènes, cassis, chèvrefeuilles qui poussent à l’abandon dans le jardin de sa marraine mais ne dit rien. Stéphane, suivi du petit, s’avance avec précautions vers la maison jusqu’à un buisson planté à cinq mètres de la façade. Il sort un paquet de cigarettes de sa poche. Il allume une clope et range le paquet. Le petit se tortille d’une fesse sur l’autre puis lâche d’une voix qui dérape dans les aigus :
– Tu m’en files une ?
– T’as qu’à t’en acheter. J’suis pas les restaus du cœur.
Maxime toussote, décidément Stéphane est un sale con. Il écarte les branches pour se donner une contenance.
– Elle va bientôt se pieuter. Elle a déjà sa dose. Je la guette depuis cet aprème. Ah, ça, ses litrons, elle oublie jamais de les acheter, mais quand j’ai besoin de thune, y’a plus personne. Tu parles d’une marraine !
– Parce qu’en plus d’être ta tante c’est ta marraine ? s’esclaffe le grand. T’es pas écœuré. Elle est à gerber, ta « marraine ». L’aut’jour à la porte du Carouf, elle était tellement naze, c’te vieille pochtronne, qu’elle s’tenait au mur pour avancer. Mourad lui a filé deux balles, y’a fallu insister pour qu’elle les prenne, elle s’est retrouvée sur le cul. Qu’est-ce qu’on s’est marré !
Stéphane s’en tape les cuisses de rire. Maxime détourne la tête, sa marraine, il la déteste mais c’est quand même la sœur de sa mère, – la famille quoi ! -, et se mord les lèvres pour ne pas répliquer : il a déjà suffisamment goûté aux baffes du grand pour ne pas provoquer à nouveau sa colère.
– Mais qu’est-ce qu’elle fout ? Ça fait une heure que ça clignote à toutes les fenêtres. T’es vraiment sûr qu’elle a de la thune, Max ? Parce que quand on voit la case… Et son jardin, c’est une vraie décharge.
Stéphane attrape un ressort rouillé et le balance rageusement vers la gauche. Steph a raison, pense Maxime, c’est pas un jardin mais un dépotoir.
– Dis donc, reprend le grand, t’aurais pas inventé tout ça pour te faire mousser, p’tit con ? Tu vas le sentir passer.
– Mais non, je te jure qu’elle a de la tune. Son mari, il a toujours eu un bon boulot et quand il a clamsé de son cancer, elle a touché le gros lot à l’assurance. C’était un malin, mon tonton.
– Mon tonton !
Le ton dédaigneux de Stéphane lui transperce la poitrine. C’est pire que s’il l’avait frappé. Maxime détourne la tête, ses yeux le piquent.
– Max, y’a un truc qui bouge là !
Le doigt de Stéphane pointe le blouson de son acolyte, à hauteur de poitrine.
– C’est rien, c’est Jimmy, répond distraitement le petit.
– T’as pris ton rat ? T’es dingue ?
– Lui aussi, il peut profiter de la fête, hein mon Jimmy ! Viens mon mignon, viens me voir… Avec ma part, je t’achèterai une belle cage, une grande. On la mettra derrière ma nouvelle bécane et on ira faire des virées à la mer.
À gestes doux, Maxime a couché son rat blanc à la renverse sur son genou plié. Il lui écarte les pattes de ses pouces sales tout en lui maintenant la tête et lui donne des petits baisers sur le ventre. Le rat couine un peu. Ses ongles roses et fragiles griffent les cheveux de son maître, comme s’il voulait les coiffer.
– T’es un vrai porc, Max. Range cette saleté, ça me fout la gerbe.
Maxime hausse les épaules. Par le col de son tee-shirt il introduit Jimmy tout contre sa peau.
– Allez, va te promener. Tu vois, Steph, quand je mets mon tee-shirt dans mon short et que je serre bien ma ceinture, ça lui fait comme un tunnel tout mou. Il se balade tout autour de moi et après il dort, bien au chaud.
À présent la nuit est tombée. Max guette Stéphane du coin de l’œil : il en est à sa huitième cigarette et regarde sans cesse sa montre.
– J’te dis que j’le sens pas ce coup-là… Et si elle a planqué son fric à la banque, on aura l’air malin !
– Puisque je te dis que je l’ai vu son fric. Tous les soirs, avant de se pieuter, elle sort sa boîte en dessous de son évier et elle compte ses billets. Y’a un gros paquet, tu peux me croire.
– Combien ?
– Je sais pas. En tout cas, c’est des grands.
– Des cinq cents alors ?
– Mais oui, des cinq cents.
Max se tortille un peu, comme s’il s’ankylosait. Les billets, il ne les a pas vraiment vus, mais ils étaient verts et grands. La vérité c’est qu’il n’a osé jeter un coup d’œil qu’une seule fois par la fenêtre de la cuisine et qu’elle était sale et que la lumière n’était pas très forte et que sa marraine lui tournait le dos.
– Et si elle te tombe dessus pendant que tu prends les billets, qu’est-ce que tu fais ? demande Stéphane d’un ton abrupt.
Maxime en reste tout pantois.
– Ben… ben, Steph… tu seras là. Tu seras là, hein ? Moi je prends la boîte et je file et toi, tu la ceintures par derrière, comme on avait dit.
– On avait dit, on avait dit… T’as les foies, p’être ? Tu peux bien y aller tout seul puisqu’elle cuve. J’t’attendrai ici.
– Mais Steph, je peux pas y aller tout seul !
– Pourquoi ? Tu veux rentrer dans la bande et t’es pas cap de piquer une boîte.
– Mais on n’avait pas dit ça. En tout cas j’y vais pas tout seul.
Stéphane se lève brusquement.
– Eh ben maintenant, on dit ça : tu te démerdes. D’abord, ton plan il est foireux… J’me casse.
– C’est toi qui as les foies… Reste Steph !
D’une main, Maxime retient Stéphane par un pan de son blouson, de l’autre il serre Jimmy contre lui de peur que le rat, s’affolant, cherche à se sauver et file dans le fouillis de plantes à l’abandon.
– Lâche-moi, sale bâtard !
Le grand se dégage d’un geste brusque et s’engloutit dans le noir profond du jardin.
– Bâtard toi-même !
Dépité, Maxime caresse Jimmy pour calmer les battements de son cœur.
– Tire-toi, connard, y’en aura plus pour moi, chuchote-t-il dans le trou d’ombre.
Maxime tend l’oreille des fois que Stéphane reviendrait.
– J’en ai marre qu’il me traite tout le temps de bâtard… Lui et les autres… Je les emmerde, hein mon Jimmy qu’on les emmerde !
L’enfant attend quelques minutes puis soudain se décide. Il progresse à croupetons le long d’autres buissons en fleurs jusqu’au mur de briques de la façade, encore chaud sous sa main du soleil de l’après-midi. Un carré de lumière tombe de la fenêtre de la cuisine et le guide à l’aplomb de celle-ci. Caché sous le bac des géraniums qui prospèrent sur l’appui de fenêtre, il écoute si fort que ses oreilles, comme deux radars, perçoivent chaque geste du rituel du coucher de sa tante. Les bruits lui sont devenus familiers après des jours et des jours de planque.
– La chasse d’eau… Alors elle a déjà mis sa chemise de nuit.
Il repousse doucement le museau rose de Jimmy qui pointe au col du tee-shirt.
– C’est pas un spectacle pour toi, mon Jimmy, elle est trop moche, la tata, tu sais.
Maxime entend à présent l’eau couler dans la canalisation extérieure, le verre claquer sur l’évier, puis les clongs des casseroles déplacées. Les battements de son cœur s’accélèrent. Elle a sorti la boîte, c’est sûr. Il risque un oeil par le carreau du bas. Ce ne sont pas les quarante watts du plafonnier qui l’aident beaucoup alors il écarquille les yeux tant qu’il peut. Sa tante lui tourne le dos, elle tient la liasse entre ses mains. Maxime meurt d’envie de coller son front contre la vitre mais la prudence le ramène dans l’ombre, il s’accroupit à nouveau. Encore les clongs des casseroles. Les savates traînent sur le carrelage. Maxime ne respire plus : sa marraine est là, derrière le mur, à même pas un mètre de lui, elle verrouille la porte de la cuisine qui donne sur le jardin. Pourvu que ce soir elle ne change pas d’idée et qu’elle laisse la clef dans la serrure, comme les autres jours ! La lumière s’éteint, une porte claque. Maxime lâche tout son air, d’un seul coup. Ça y est, elle est couchée.
Les minutes s’écoulent, interminables. Jimmy s’agite.
– Tu sens tout, hein, mon Jimmy. C’est vrai que j’ai la trouille mais t’en fais pas, je me casserai pas comme l’autre thon. J’en n’ai rien à foutre de sa bande de tarés. Avec toute la thune qu’on va avoir, j’en aurai une à moi de bande. J’vais compter jusqu’à dix… Non cinquante… Allez, j’y vais.
Maxime se lève et tâtonne jusqu’à la porte de la cuisine. Il pose la ventouse sur le carreau du bas.
– Eh Jimmy, heureusement que la porte n’a pas de volets ! chuchote-t-il, sinon on était mal.
Une chance aussi que son cousin Kévin prépare un CAP de vitrier et qu’ils ont pu s’entraîner dans la vieille usine du bout de la rue. Un tour de poignet, le diamant crisse… Max passe la main et tourne la clef délicatement.
Le placard, sous l’évier, enfin.
Max se retient de respirer en déposant un à un les ustensiles de cuisine sur le carrelage. Malgré la peur qui lui ronge le ventre et fait bourdonner ses oreilles, il prend son temps. Quelques tintements légers qu’il ne réussit pas à éviter accompagnent les ronflements sonores de la tante.
– Jimmy, ça y est, je la tiens ! chuchote-t-il.
Il fonce vers la porte, il est déjà aux troènes. Il ne sait pas comment il a franchi le mur ni combien de temps il a couru.
Il dévale l’escalier de ciment sans rater une marche. Le voilà devant les caves du HLM. Un coup d’épaule et la porte du cagibi des Demeester, le seul qui ne soit jamais fermé, claque contre le mur de béton. Haletant, il se jette sur le matelas pourri, celui sur lequel les grands basculent les meufs consentantes ou non. Ça sera un jour son tour, et peut-être même demain, grâce à la boîte magique.
Jimmy couine très fort et se débat tant qu’il peut. Il faut commencer par le délivrer de sa prison de toile. Max pose la boîte sur le sol, sort sa lampe-torche et le harnais de Jimmy des poches de son blouson. Il est si essoufflé qu’il n’arrive pas à prononcer des paroles d’apaisement. Fébrilement il attache le harnais autour du petit corps blanc et en accroche la lanière toute effilochée à son poignet. Ses doigts tremblent quand il s’acharne sur le couvercle de fer-blanc, pourtant facile à ouvrir.
D’un seul coup, la boîte libère son contenu sur la toile puante. Les mains de l’enfant s’agitent dans un fouillis de paperasse, de photos. Le rayon lumineux éclaire le portrait d’un gamin, comme s’il voulait y accrocher le regard de Max.
Mais c’est lui, ça, quand il avait cinq ans ! Liliane, sa mère, a le même sur le mur de sa chambre. Et là dans sa poussette ! Et là encore, avec son premier chien, et là sur un manège… Il suspend un instant ses gestes : pourquoi la vieille garde-t-elle tant de photos de lui dans sa boîte à trésor, bien cachée sous l’évier ?
Il rejette les photos et fouille à nouveau dans le tas : où sont les billets ? Les billets, merde ! Il ne remue que des photos et des lettres.
Il attrape un feuillet machinalement : ils ont tous le même petit format, la même couleur vert pâle. Un dessin à peine plus foncé se détache en haut à gauche. Du papier à lettre ! Ce n’est que du papier à lettres, comme il en a déjà vu à la vitrine d’un libraire, au centre ville. Sa bouche s’ouvre de stupéfaction : comment a-t-il pu confondre avec des billets de banque ? Ses yeux s’emplissent de larmes, Merde alors, mais qu’il a été con ! Le rouge lui monte aux joues, il donne des coups de pied rageurs dans le tas de feuillets en criant puis s’arrête, tout tremblant de rage, et s’essuie les yeux et le nez avec la manche de son tee-shirt. Une chance que Stéphane soit parti : quelle cata s’il était resté !
Les minutes s’écoulent sans qu’il ne bouge, à ruminer sa bêtise. Des lettres ! … Pourquoi les cache-t-elle sous l’évier ? D’habitude on les met dans un tiroir. La curiosité le pousse à prendre un des feuillets : une lettre signée Paul, une écriture d’instit. Il la survole : des mots obscènes pour des vieux : ma chérie… mon amour… Il l’imagine, le Paul, un petit chauve avec un gros bide et une cravate. Pourquoi écrit-il à sa tante en cachette ? Son premier amoureux à la marraine ? Il regarde la date et compte sur ses doigts : treize ans. Il prend une autre lettre, puis quelques autres : elles datent toutes à peu près de la même époque, d’il y a treize ans. Il réfléchit… Mais alors, treize ans, Tonton Christian était cocu ?
Maxime reste là, accroupi sur ses talons, bras ballants. Jimmy farfouille à son tour dans les papiers, ses petites griffes crissent sur les feuilles. Il trottine, passe et repasse dans le halo de la lampe, indifférent au dégoût qui a submergé son maître.
– Elle m’a bien eu, la pute !
C’est Stéphane qui a raison : elle a planqué ses sous à la banque. Et les autres, qu’est-ce qu’ils vont dire ? Il va se faire massacrer, c’est sûr.
Brusquement il rassemble tout en tas et allume son briquet en plusieurs endroits. Un coin de photo se racornit, touche une lettre qui s’enflamme à son tour. Il regarde les mots se consumer.
Liliane ? Le prénom de sa mère. Là encore sur une autre feuille. Qu’est-ce qu’il lui voulait à sa mère, ce Paul ? Il souffle pour éteindre Heureusement, le feu n’est pas bien parti.
Il déplie les feuillets brûlants, les étale devant lui. C’est comme un puzzle. Il s’aide des dates, il classe. Jimmy, assis sur son derrière, se lisse les moustaches et les oreilles. Sa laisse traîne par terre.
Des pensées confuses tourbillonnent dans la tête de Max. Qu’est-ce qu’ils avaient à voir avec sa mère, ces deux blaireaux ? Maxime n’est pas con, Liliane le lui répète souvent, elle lui dit même qu’il ira au lycée, mais on dirait qu’aujourd’hui il a du mal à comprendre ce qu’il lit. Des phrases un peu bizarres, comme dans les feuilletons à la télé. Quelquefois, il est obligé de les prononcer à voix haute pour se pénétrer de leur sens. Il recommence sa lecture à plusieurs reprises, et peu à peu, à travers les trous noircis, les phrases manquantes, émerge une histoire incroyable : sa tante, sa pochetronne de marraine, était enceinte du gros chauve et tonton Christian n’avait rien vu. Et la femme du gros chauve était au courant. Elle menaçait de se suicider ou de ruiner le gros Paul ou de tuer sa rivale, ça dépendait des lettres : « Je crains pour ta vie et celle de notre enfant… C’est un gros scandale… L’entreprise ne peut pas fermer… Tout est au nom de ma femme… »
Et voilà que Liliane accompagne Marraine à Nice, un voyage de, si Max calcule bien, environ deux mois. Deux mois à Nice, ça coûte des tunes, ça. Qui a payé ? Après, il y a l’histoire de la maternité où le gros chauve regrette tant de ne pouvoir se rendre : « Heureusement que ta sœur est à ton chevet. Je suis ainsi totalement rassuré sur ton sort et sur celui de notre petit. »
La dernière lettre date du 8 juin, une phrase lui brûle les yeux : « Tu l’appelleras Maxime, c’est mon deuxième prénom. » Maxime, comme lui, qui est né le 10 juin de cette même année. Max se refuse à comprendre. Pourtant plus loin il doit se rendre à l’évidence : « Je saurais récompenser ta sœur Liliane… Je payerai la pension du petit… Remercie-la encore pour avoir accepté, avec tant de dévouement, de recueillir le fruit de notre amour… »
Les mots tournent dans la tête de Max et soudain, c’est la révélation. Ça, non ! Ça ne peut pas être écrit, comme ça, sur ce papier : on ne peut pas l’avoir vendu à Liliane !
– Maman, non !
Maxime hurle, se tape la tête contre le béton, donne des coups de pied dans le vide. Jimmy proteste en couinant et file se réfugier sous le matelas.
C’est trop dégueulasse. C’est pas sa mère, cette grosse pochtronne. Maxime sanglote, puis hurle encore.
À grands gestes rageurs, il rassemble les papiers en tas. Tout doit brûler. Il regarde autour de lui et aperçoit dans un coin de la cave une caisse de bois déglinguée au milieu de lambeaux de cartons vides. Il y a aussi un tabouret auquel il manque un pied. Maxime l’éclate contre le mur et tout en reniflant en ramasse les morceaux. Il arrache des bouts de carton, des poignées de laine du matelas éventré et remplit la caisse. Ça pue. Les lettres puis les photos rejoignent le bûcher improvisé.
L’enfant met le feu. La laine brûle mal. Bientôt une épaisse fumée blanchâtre le fait tousser et lui pique les yeux. Max ajoute des morceaux de carton, ça brûle bien, le carton.
Un fond d’essence récupéré d’un bidon rouillé avive les flammes. Max se brûle, jure, ça fait mal. Il repousse brutalement Jimmy qui a grimpé sur sa cuisse. Le petit rat revient à l’assaut, escalade le bras jusqu’à l’épaule. Il se dresse sur ses pattes de derrière pour mordiller le lobe de l’oreille de son maître. D’habitude Maxime adore ce chatouillis, il en ressent des frissons partout.
– Tu nous emmerdes Jimmy. C’est pas le moment. Tu nous emmerdes, T’entends ?
Maxime attrape la queue comme on attrape un fouet et claque Jimmy sur le béton.
– Et toi, tu vas te décider à brûler ? crie-t-il à l’adresse du feu qui ne prend pas assez vite à son gré.
Vite, vite, il faut rajouter du carton, mais les doigts de Max semblent être devenus tout mous et ne lui obéissent plus. Il s’épuise à déchirer les boîtes en lambeaux. Il geint. Il se décide à arracher des morceaux de carton avec ses dents. Il a un goût de moisi dans la bouche. Il souffle à présent de toutes ses forces sur les petites flammes, il voudrait que tout s’embrase d’un seul coup. Soudain ses yeux s’hypnotisent sur un morceau de papier qui tente de s’échapper sur le côté, porté par l’air chaud : « notre dévouée Liliane » noircit lentement entre les flammes orange.
– Et puis bien fait pour toi, sale bâtard !
Maxime lance Jimmy dans les flammes. Le rat, que le feu a ranimé, couine une dernière fois, faiblement.
Maxime hurle de nouveau. Il donne des coups de pieds désespérés dans le brasier pour disperser les flammes et récupérer son rat.
– Jimmy, non !
Une liasse enflammée valse vers un petit bidon tout rouillé, stocké avec d’autres pas loin de la porte.
Maxime tousse, encore et encore. La fumée le fait presque vomir. C’est alors que le premier bidon explose.
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